Le frère Chân Minh Hy nous partage comment considérer notre pratique quotidienne de la respiration et de la marche en pleine conscience comme quelque chose de spécial, et non comme quelque chose d’ordinaire.
Où est le Dharma ?
Une anecdote raconte qu’au temple de Tu Dam, au Vietnam, alors que les moines étaient sur le point de revêtir leur robe sanghati pour la cérémonie de récitation des préceptes, le vénérable Thien Sieu leur a demandé : « Savez-vous pourquoi nous disons que ‘Le Dharma est transcendant et merveilleux’ ? » S’arrêtant quelques instants, il poursuivit : « Parce qu’il est ici, juste devant vous. »
J’ai entendu cette anecdote lorsque le vénérable abbé du temple Bao Lam nous l’a racontée à la Nonnerie Dieu Tram. Cette question ne m’a jamais quittée : comment le Dharma merveilleux et transcendant peut-il se trouver juste devant nous ? Pourquoi ne puis-je pas le voir ? Est-ce parce qu’il y a beaucoup de choses autour de moi, si ordinaires, que je suis incapable de le voir ?
Lors des banquets, nous proposons souvent des plats spéciaux. Si un repas ne comporte que du riz et des légumes verts, nous ne pouvons pas l’appeler ‘banquet’, puisque ces aliments sont consommés chaque jour, chaque semaine, tous les mois, toute l’année, et tout au long de notre vie. Mais il y a des gens qui ne peuvent pas supporter de ne pas avoir de riz, ne serait-ce qu’un ou deux jours. Si c’est le cas, alors le riz et les légumes verts ne sont pas ordinaires. Ils sont en fait spéciaux car presque tout le monde peut les manger et beaucoup ne peuvent pas vivre sans ces aliments de base. Les ‘plats spéciaux’ proposés aux banquets sont en effet spéciaux, mais ils ne peuvent être consommés qu’occasionnellement. On ne peut pas les manger tous les jours, à la manière dont on mange du riz. Comme le dit le proverbe vietnamien, personne ne nous aime autant que le riz.
Il en va de même pour les enseignements du Bouddha. Il y a des portes du Dharma que nous pratiquons chaque jour et que nous finissons par trouver très ordinaires. Mais en réalité, elles sont très spéciales car, indépendamment du lieu ou de la situation, elles peuvent être facilement pratiquées par tout le monde.
Trouver la profondeur et la gratitude ici et maintenant
Lorsque nous apprenons et pratiquons des méditations profondes telles que l’impermanence, le non-soi, la vacuité, la non-apparence, la non-poursuite ou l’inter-être, nous devons être capables de les maintenir avec solidité et liberté dans la vie quotidienne. Nos pas et notre respiration en pleine conscience doivent pouvoir refléter et aussi nourrir la puissante source d’énergie de ces méditations.
Nous devons développer cette façon de voir. Rien n’est pratique ordinaire ; qu’il s’agisse de nos pas, de chacune de nos respirations, ou de nos relaxations, il s’agit toujours d’une pratique très ‘spéciale’, car elle est capable de porter en elle la compréhension profonde de la méditation.
Il est possible que le riz et les légumes bouillis soient devenus ordinaires en raison de la façon dont nous les mangeons, surtout si nous n’avons pas encore été capables d’apprécier la réalité de ce proverbe vietnamien : « un grain de riz est une pierre de jade du ciel ». Si vous vous autorisez à regarder le bol de riz dans vos mains avec appréciation, alors la gratitude et le bonheur prendront naissance à cet instant précis au sein de votre cœur. Une seule respiration suffira à faire naître le bonheur. Vous sourirez et saurez que vous avez beaucoup de chance.
“Partout sur la terre, des êtres luttent pour vivre. J'aspire à pratiquer profondément afin que tous puissent avoir assez à manger.” Gatha “Avant de manger,” Entrer dans la liberté
De cette façon, même les choses les plus familières ne périment jamais. Chaque pas, chaque inspiration et expiration, chaque bol de riz peut devenir un banquet si notre cœur est empli de gratitude.
Offrir la beauté
Un jour, les assistants de Thây ont remarqué qu’il était un peu différent. Après avoir offert un enseignement du Dharma, Thây a regagné sa cabane ; il a bu une tasse de thé, pris son chapeau de paille et est parti directement pratiquer la méditation marchée. Habituellement, il prenait pourtant le temps de se reposer un peu plus longtemps. En arrivant au lieu de rassemblement, Thây s’est incliné devant la sangha et a guidé la marche. Tout s’est déroulé sans délai. Avec des pas légers et libres, Thây a conduit la sangha jusqu’aux Seize Bouddhas, son endroit préféré, là où il aimait s’arrêter et se reposer pendant la marche méditative. Dès que la sangha s’est assise, les cloches de l’église ont retenti. L’attendant de Thây a regardé Thây : il avait un sourire très lumineux sur le visage. Il s’est avéré qu’une délégation de moines d’un autre pays était en visite au Village des Pruniers. C’était la première fois qu’ils venaient au Hameau du Haut et prenaient part à la pratique de la méditation marchée. Thây tenait donc à leur offrir un moment de miracle. Thây était très heureux de ce moment, car tout s’est déroulé parfaitement au bon moment. Ce n’est pas seulement avec un bon thé ou une nourriture délicieuse que nous pouvons régaler nos invités.
Un beau moment peut contribuer à faire grandir le bonheur dans le cœur des autres. Un tel moment est un banquet que nous pouvons offrir à nos proches, plusieurs fois par jour. Mais avant tout, nous devons avoir la capacité de percevoir, ressentir et nous offrir à nous-mêmes de tels banquets. Si nous ne savons pas comment boire du thé, comment pourrions-nous offrir une bonne tasse de thé à nos amis ? Il est très difficile pour une personne très occupée d’offrir aux autres un moment de détente et de liberté.
Vous êtes-vous offert des moments heureux aujourd’hui ?
The Plum Village Newsletter
Cet article a initialement été publié dans la Newsletter du Village des Pruniers de 2022. Si vous souhaitez commander un exemplaire (papier ou pdf), ils sont disponibles en langue anglaise, par donation, sur le site de Parallax Press.
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