Cela fait longtemps que les femmes (incluant les monastiques) jouent un rôle essentiel dans le soutien et l’affirmation de la vision de Thich Nhat Hanh (Thây) pour une forme renouvelée et engagée de Bouddhisme.
Le soutien et la confiance de personnes telles que Soeur Chân Khong, à ses côtés dès ses premiers enseignements publics, ont largement contribué à ce que Thây a pu accomplir comme maître Zen, activiste social et émissaire en Occident.
Les trois premiers disciples de Thây étaient en effet des moniales : Soeur Chan Khong, Soeur Chan Duc et Soeur Chan Vị. Aujourd’hui, plus de la moitié des pratiquants monastiques de la Communauté internationale du Village des Pruniers sont des femmes.
C’est grâce à ce respect mutuel et à une profonde compréhension de la nature de l’inter-être que, en 2005, Thây accomplit un geste que les normes traditionnelles qualifieront de ‘remarquable’, instaurant une nouvelle norme d’équité au sein de sa communauté monastique.
C’est également cette année-là que Thây, Sœur Chan Khong et une importante délégation de monastiques et pratiquants laïcs purent se rendre au Vietnam pour la première fois au terme des trente-neuf années que dura l’exil de Thây. Lors de la célébration du Nouvel An lunaire, Thây était debout au premier rang avec de nombreux moines vénérables, alors que les moniales étaient assises, paumes jointes. C’est alors qu’un moine lut à haute voix un texte reconnaissant en chaque moniale la présence d’Avalokiteshvara, le Bodhisattva de la Grande Compassion, et formulant le vœu de pratiquer diligemment leurs préceptes pour se protéger et protéger les moniales.
À la grande surprise des Vénérables présents à ses côtés, Thây s’est ensuite prosterné trois fois devant les moniales. Il ne serait jamais venu à l’esprit de ces moines de manifester un tel signe de respect aux moniales, mais ils suivirent l’exemple de Thây. Cette pratique était courante dans les monastères du Village des Pruniers international ; mais, pour la tradition monastique au Vietnam, la prosternation devant les moniales fut un moment incroyablement puissant, empreint d’humilité et de transformation.
Jusqu’à son décès au début de l’année, Thây, Sœur Chan Khong et de nombreux autres monastiques du Village des Pruniers International ont apporté de nombreux autres changements révolutionnaires pour les moniales dans la tradition du Village des Pruniers, leur accordant un statut, une voix et une influence égaux à ceux des moines. Voici quelques-uns de ces changements majeurs :
- Alors que dans de nombreuses communautés bouddhistes, les nonnes ne peuvent accéder à la pleine ordination, les moniales du Village des Pruniers international sont ordonnées au même niveau que leurs frères monastiques.
- Toutes les responsabilités sont partagées entre moines et moniales, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des monastères. Les moines et moniales ont les mêmes responsabilités, qu’il s’agisse de l’enseignement, de la planification, de la cuisine, du nettoyage, des finances, etc.
- Lors de la prise de décision au sein du monastère, l’avis des moines et moniales est considéré de manière égale et ce, par la procédure démocratique du Sanghakarman.
- Lors de la méditation assise ou marchée, des cérémonies et des processions, les communautés bouddhistes traditionnelles ont pour habitude de placer la nonne la plus âgée derrière le moine le plus jeune. Dans les monastères du Village des Pruniers international, les nonnes et les moines s’assoient, marchent et touchent la terre (prosternation) côte à côte.
- De même, au sein des communautés bouddhistes traditionnelles, seuls les moines enseignaient le Dharma, et ils s’adressent très rarement aux nonnes ou aux femmes. Dans les monastères du Village des Pruniers, moines et moniales alternent pour offrir les enseignements du Dharma, et ceux-ci s’adressent à l’ensemble de la communauté. Lorsque les monastiques n’ont pas encore suffisamment d’expérience pour enseigner seuls, ils le font en groupes réunissant un nombre égal de moniales et de moines.
Les enseignements de Thây sont inclusifs.
Les cours et les pratiques qu’il dispense aux monastiques s’adressent de façon égale aux moines et aux nonnes, tout comme les enseignements du Dharma, les livres et les pratiques offerts par Thây aux laïcs s’adressent indifféremment à tous. Dans ses interventions orales et écrites, Thây a toujours pris soin d’utiliser indifféremment les pronoms « il », « elle » et les termes neutres et non binaires tels que “la personne” et “they” en anglais.
- Alors que dans la plupart des traditions moines et moniales ne pratiquent pas ensemble, les Frères et Soeurs de la Communauté du Village des Pruniers International pratique, étudie, travaille et joue régulièrement ensemble. Cette façon de faire encourage les monastiques à se percevoir comme frères et sœurs d’une même famille, permettant aussi de réduire les illusions et les perceptions erronées que la distance peut engendrer, tout en aidant les monastiques à gérer directement l’énergie sexuelle au lieu de l’éviter ou de la supprimer.
- Dans la pratique du Toucher de la Terre, par laquelle nous rendons hommage aux ancêtres et aux aînés, Thây a incorporé plusieurs figures féminines vénérables : Mahagotami, la première bhikshuni ordonnée, Avalokiteshvara, le bodhisattva de la Grande Compassion, et la Terre Mère.
- Les enseignements, les cérémonies et la calligraphie de Thây sont centrés sur la Terre Mère, la reconnaissant comme un bodhisattva et soulignant que, en elle, cohabitent la nature de Bouddha et l’enseignant.
- Thây a créé 8 « Gurudharmas » ou « Pratiques de respect » à l’intention des moines. Ces pratiques s’apparentent à un ensemble de guidances formulées par le Bouddha sur la façon dont il convient que les moniales interagissent avec les moines. [Vous pouvez retrouver les 8 Gurudharmas destinés aux moines à la page 19 de notre revue américaine ‘Mindfulness Bell‘ ].
- La contribution de Thây à la révision des Pratimoksha, les codes de conduite monastiques destinés aux moines et moniales pleinement ordonnés, est une première depuis l’époque du Bouddha.
- Alors que la tradition veut que les nonnes et les amis laïcs ne soient pas autorisés à lire les préceptes Bhikshu des moines pleinement ordonnés, Thây a voulu mettre à la disposition du public les préceptes Bhikshu et Bhikshuni.
- Selon la Pratimoksha traditionnelle (préceptes monastiques), un moine peut dérober (renoncer à ses voeux) sept fois alors que, s’il s’agit d’une moniale, celle-ci ne pourra regagner la communauté qu’en restant novice ; elle ne pourra plus accéder à la pleine ordination. Dans la tradition du Village des Pruniers, Thây a permis aux nonnes de revenir dans la Communauté et de recevoir à nouveau l’ordination de bhikshuni.
Enfin, un nombre croissant d’ouvrages consacrés au Dharma publiés par Parallax Presssont écrits ou co-écrits par des nonnes de la communauté du Village des Pruniers. Parmi ceux-ci, citons ‘Zen and the Art of Saving the Planet‘, écrit par Thây et co-écrit par Sœur Chan Khong et Sœur True Dedication ; (la traduction n’est pas encore disponible)
Les différents ouvrages de Soeur Chan Khong : ‘La force de l’amour, une bouddhiste dans le Vietnam en guerre‘ et l’ouvrage consacré à la Pratique du Renouveau Beginning Anew : Four Steps to Restoring Communication ;(la traduction n’est pas encore disponible)
Trois ouvrages de Soeur Dang Nghiem: ‘Flowers in the Dark: Reclaiming Your Power to Heal Trauma through Mindfulness‘ ; ‘Mindfulness as Medicine: A Story of Healing Body and Spirit‘ ; et ‘Healing: A Woman’s Journey from Doctor to Nun‘ ; (la traduction n’est pas encore disponible)
Sans oublier les deux ouvrages rédigés par Soeur Annabel Laity (Soeur Chan Duc) : ‘Mindfulness : Walking with Jesus and Buddha‘ et ‘True Virtue : The Journey of an English Buddhist Nun‘.
Thây et Sœur Chan Khong ont affirmé l’importance de reconnaître et respecter les membres de notre sangha pour leur pratique, et non pour leur genre. Cette position révolutionnaire a incité de nombreuses femmes à demander l’ordination dans la communauté. Les pratiques et les modes de vie du Village des Pruniers international ont favorisé l’autonomie des jeunes sœurs dans leur pratique et modifié leur manière de se percevoir. Ces pratiques continueront à influencer la manière dont les futurs disciples seront formés, en offrant plus d’espace, de confiance et de voix aux femmes.
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