Une série d’interviews de nos frères et sœurs monastiques et laïcs résidant au Village des Pruniers, en France, à l’issue de la ‘retraite des pluies’ de 2020 (retraite de trois mois).
Cher·es ami·es à travers le monde ,!
Comme vous le savez peut-être, notre Communauté du Village des Pruniers en automne a eu la Retraite des Pluies de trois mois. Nous sommes très heureux aujourd’hui de pouvoir partager avec vous les fruits de joie et de transformation que nous avons obtenus au cours de ces 90 jours, ce précieux temps de retour à nous-mêmes et d’approfondissement de notre Pratique. Ouvrons nos cœurs et prenons plaisir à lire les expériences de nos frères et soeurs au cours de cette Retraite des Pluies. Nous espérons que ces partages du cœur pourront offrir un peu de joie et de bonheur spirituel à tous les amis du Village des Pruniers aux quatre coins du monde.
Merci de nous accompagner dans ce beau voyage. Nous vous invitons également à découvrir la vidéo de la Retraite des Pluies, filmée au Hameau du Haut.
Frère Troi Bao Tang (Frère Trésor)
Frère Troi Bao Tang est un frère indonésien et jeune enseignant du Dharma au Village des Pruniers. Il a participé activement à l’organisation de retraites de pleine conscience. L’esprit vif, il met aussi tout son coeur à construire la fraternité. C’est une joie pour lui de s’asseoir et de prendre une tasse de thé avec ses amis pour les aider à mieux comprendre la pratique de la pleine conscience.
Quelles sont les choses que tu apprécies dans la retraite des Pluies ?
Frère Troi Bao Tang : La Retraite des Pluies est un précieux cadeau pour les monastiques car elle nous offre la possibilité de revenir à nous-mêmes et de rester dans le périmètre de nos hameaux respectifs tout au long des 3 mois, ce qui nous permet ensuite d’avoir assez d’énergie pour servir la société en partageant le Dharma.
Je sais qu’au Village des Pruniers, la fraternité est la plus haute valeur de notre vie spirituelle. Je l’apprécie particulièrement car chaque retraite des pluies me donne l’occasion de revenir à moi-même, de réfléchir à mon aspiration monastique et la nourrir, tout en appréciant la pratique avec mes frères et sœurs monastiques et les pratiquants laïcs. Tous les monastiques pratiquent ensemble, qu’ils soient récemment ordonnés ou nos aînés ; nous prenons refuge en chacun d’entre nous pour construire la Sangha dans la fraternité et la sororité. C’est ainsi que ceux qui ont le plus d’expérience la partageront avec les plus jeunes dans le Dharma.
À la fin de la retraite, chaque personne reçoit une lettre « d’éclairage« . La Pratique de l’éclairage est un processus par lequel un moine ou une moniale reçoit les conseils et les recommandations de la Communauté concernant différents aspects de sa pratique. Cette démarche nous aide chacune et chacun à regarder profondément en nous-même pour que la Communauté tout entière puisse soutenir notre développement et notre transformation spirituels.
Je constate également que la retraite des pluies est vraiment précieuse, même en cette période de pandémie de Covid-19. En effet, malgré le changement de programme résultant du confinement national en France, nous continuons à bénéficier de la possibilité de souffrir et guérir ensemble, comme une seule et même Communauté. La Sangha est imparfaite et la Retraite des Pluies permet aux monastiques de s’améliorer, tout en offrant à la Sangha une chance de progresser et de grandir. En outre, à chaque fin de Retraite des Pluies, une année supplémentaire s’ajoute à notre âge monastique.
Soeur Trang Khuong Gioi
Sr Trang Khuong Gioi est une jeune novice de Taiwan. Ordonnée le 17 octobre 2019, elle fait partie de la famille d’ordination “Gingko”. La retraite de trois mois de 2020 est la première à laquelle elle a pu prendre part complètement. Laissons-la nous en partager son expérience.
Soeur Trang Khuong Gioi: Ce qui est important dans la Retraite des Pluies, ce sont les frontières du Monastère, car toutes les Sœurs restent ici. Bien entendu, cette année, tout le monde a dû rester à la maison en raison des mesures de confinement visant à empêcher la propagation du Coronavirus. Mais c’était différent en 2019 car, au cours de l’année, de nombreuses Sœurs aînées devaient régulièrement sortir pour animer des retraites ou étaient occupées à d’autres choses en dehors du Monastère. La retraite des pluies a ceci de particulier que toutes les Sœurs restent ensemble, comme une grande famille. Dans les temples traditionnels de Taïwan, les amis laïcs peuvent venir pratiquer toute l’année, sauf pendant la retraite des pluies. Les moniales ne recevront pas d’amis à court terme car elles veulent se concentrer sur leur étude et leur pratique.
L’année dernière, j’étais encore aspirante lorsque la Retraite des Pluies a commencé, et j’ai été ordonnée vers la moitié de ces trois mois. Cette année-ci, j’ai le sentiment que la Retraite des Pluies est plus profonde, dans la mesure où en vivant avec les Soeurs au sein de leur quartier monastique depuis un an, l’énergie de la pratique m’est apparue plus fluide. Une autre chose spécifique que je ressens à propos de la Retraite des Pluies est que les Enseignements du Dharma sont davantage en lien avec ma pratique, et que je peux les appliquer immédiatement dans ma vie quotidienne. Sans doute est-ce dû au fait que j’étais encore toute nouvellement ordonnée l’année dernière et qu’il a fallu que je m’adapte à ma nouvelle vie monastique ; les choses n’ont donc pas été aussi claires que cette année. J’ai particulièrement apprécié les Enseignements du Dharma lors des journées monastiques : je sens qu’ils sont une nourriture très riche car ils traitent de sujets très importants pour la Communauté. Ce sont des cadeaux très spécifiques que les Frères et Sœurs aînés offrent à la communauté monastique. Ils me donnent une direction pour ma pratique et je peux aller plus loin pour me comprendre. Quant aux Enseignements du Dharma qui avaient lieu en ligne le dimanche, c’était de véritables cadeaux pour le monde confronté à la situation actuelle. En écoutant, je peux comprendre ce que vit le monde et apprendre à répondre aux différentes situations.
Je pense que la Retraite des Pluies nous offre les conditions pour nous stabiliser et mettre collectivement et consciemment notre coeur dans notre pratique. J’ai le sentiment que l’énergie collective me permet de m’intégrer plus facilement à la Communauté et de simplement pratiquer comme novice. Les autres choses que j’ai appréciées dans cette Retraite des Pluies, c’est la possibilité de jouer avec d’autres novices, de prendre le temps d’écrire dans mon livre « cong phu » (Journal de pratique personnelle), et de suivre les conseils de mon mentor pour la pratique. Même si nous faisons cela aussi tout au long de l’année, j’ai eu l’impression de les apprécier tout particulièrement au cours de ces trois mois.
Dès le début de cette Retraite des Pluies, mon aspiration était de pratiquer la marche dans le seul but de marcher, et non de parler, de penser ou de faire quoi que ce soit d’autre. Et pourtant, cette pratique a connu des hauts et des bas. Parfois, je parle, chante et pense encore en marchant. Je trouve particulièrement difficile de ne pas parler quand je marche avec des amies, mais j’aime vraiment la marche silencieuse. La marche méditative est pour moi la pratique la plus agréable de la journée. Je continuerai à la pratiquer après la Retraite des Pluies.
Une autre de mes aspirations pour cette Retraite des Pluies était de me pencher sur mes relations. Il y a en effet des problèmes dans certaines de mes relations et je voulais les résoudre. Pendant la Retraite des Pluies, j’ai réfléchi à toutes mes relations et j’ai vu que mes interactions avec les autres avaient été peu conscientes. Elles étaient davantage basées sur de vieilles habitudes et, après trois mois de réflexion, j’aimerais pouvoir utiliser de nouveaux yeux pour voir la même personne. Après la pluie, les oiseaux sortent pour chanter et le ciel est encore très bleu.
Tyna
Tyna est une résidente laïque ‘long terme’ du Hameau du Bas, elle est ici depuis Retraite des Pluies 2019.
Quelles étaient tes aspirations pour cette Retraite des Pluies et, à présent que nous arrivons à la fin des 3 mois, as-tu pu les réaliser ? Quelles pratiques as-tu mises en place pour t’aider à réaliser ton aspiration ?
Tyna: C’est ma deuxième Retraite des Pluies, j’ai donc réfléchi à ma façon de pratiquer et j’ai réalisé que j’avais déjà entendu beaucoup d’Enseignements du Dharma. En théorie, j’en sais beaucoup sur la pratique, mais j’observe souvent ma tendance à l’oubli. J’ai donc choisi de renforcer la concentration et la pleine conscience dans cette retraite. J’ai décidé d’observer ma respiration dans différentes situations au cours de la journée. Je commence au réveil chaque matin et, allongée sur le lit, je commence à me connecter à ma respiration : cela m’a aidée à être plus attentive tout au long de la journée.
La méditation assise est une pratique très efficace pour m’aider à développer la concentration mais pour ce faire, j’ai réalisé que je devais m’occuper des obstacles à la concentration : les choses qui me font sortir de ma concentration ainsi que les moyens de soutenir l’énergie de concentration. Je me suis donc concentrée sur deux choses : ma peur et l’observation de la joie, du bonheur et du contentement. Je voulais aussi voir ce qui me rendait heureuse et pourquoi, et la différence entre les deux.
J’ai pu faire une grande prise de conscience. Je suis une personne assez craintive, et c’est pourquoi je réagis facilement. J’ai observé la peur et j’ai contemplé comment le Bouddha réagissait dans différentes situations. Et je me suis dit que le Bouddha ne réagissait que lorsqu’il y avait une situation dangereuse qui menaçait sa vie. En réalité, pour moi, ce qui déclenchait la peur en moi n’était pas du tout un danger. Cela m’a apporté une grande paix et beaucoup plus de tranquillité.
J’ai également observé la joie, le bonheur et le contentement dans de nombreuses situations différentes, comme la façon dont je consomme les choses, dont je bois le thé, comment je me sens avant et après chaque repas. J’ai ressenti le bonheur de mon corps à voir la nourriture et les sensations après les repas. Je suis heureuse de recevoir la nourriture et toutes les conditions qui me permettent d’avoir ces aliments comme le soleil, la pluie et le travail de la Sangha.
J’apprécie vraiment aussi les autres conditions de bonheur, telles que les relations que j’entretiens avec les personnes avec lesquelles je vis maintenant. Il règne parmi nous une atmosphère très joyeuse. J’aime le groupe des amies laïques qui vivent ici cette année parce que je me sens beaucoup plus à l’aise et joyeuse. J’aime aussi travailler avec mon équipe de rotation, c’est un bonheur de travailler avec une équipe. Je me sens davantage en phase avec le programme de la Retraite des Pluies, c’est nourrissant pour moi.
J’essaie aussi d’appliquer la Pratique du ‘changement de disque‘La pratique qui vise à ‘Changer de disque’ consiste à remplacer un mode de pensée malsain par un mode de pensée plus positif ou plus sainen choisissant différents sujets pour ma réflexion. J’apprécie également la nature ici – le soleil, les arbres me nourrissent et les chats aussi. Ces dernières semaines, j’ai appris à connaître les chats. Ils viennent à moi et je peux être proche d’eux. J’aime aussi regarder l’herbe fraîche ou le soleil, je peux sentir la fraîcheur de la lumière, c’est quelque chose qui me revitalise.
Au cours de cette Retraite des Pluies, sur quelle pratique t’es-tu concentrée, et comment t’a-t-elle aidée à mieux te comprendre ? Comment cela t’a-t-il permis de vivre plus harmonieusement avec les autres dans la Sangha ?
La principale pratique sur laquelle je me suis concentrée au cours de cette retraite était celle des Trois Touchers de la Terre. Un moment clé pour moi a été d’entendre un Enseignement de Thây sur les Trois Touchers de la Terre ; ses explications m’ont aidée à comprendre cette Pratique. Je le fais peut-être un peu à ma façon, mais ce fut un vrai voyage de découverte.
Avec le premier Toucher de la Terre, je me connecte à mes ancêtres. J’ai ainsi commencé à ressentir et à comprendre l’énergie de mes ancêtres dans mon corps. C’est quelque chose que j’ai hérité de mes ancêtres et je n’ai pas besoin de me battre contre cela. C’est une énergie qui a aidé mes ancêtres à vivre depuis des générations, et je la manifeste moi aussi. Avant, j’étais en colère contre eux ou je me battais contre eux, mais maintenant j’ai trouvé un point de vue plus positif pour ces énergies qui conduit à une plus grande acceptation de celles-ci.
Avec le deuxième Toucher de la Terre, je pense aux personnes avec qui je vis. D’abord, ma famille de sang. Tout au long de ma vie, les relations avec ma famille ont connu de nombreux hauts et bas. À une époque , les liens avec ma famille étaient même inexistants. Ces dernières années, j’ai senti que ce n’était pas OK, alors j’ai commencé à me soucier davantage d’eux. Et la Pratique m’a beaucoup aidée. Dans mon deuxième toucher de terre je pense donc à ma famille. Je touche la terre pour eux, mais aussi pour la Sangha, pour toutes les personnes avec lesquelles je vis ici et j’observe ma relation avec elles.
J’aime l’acte de toucher la terre dans la mesure où mes points de vue sur le monde sont différents selon que je sois debout ou au sol. Quand je touche la terre, je peux davantage contacter l’humilité que debout ou assise. En position debout ou assise, j’ai l’impression d’être la personne qui agit, la directrice de la vie, mais quand je touche le sol, je sens que je suis connectée à toutes les personnes qui marchent sur la terre. Je vois comment je peux ressentir la relation avec la Sangha, et avec ma famille. Je n’ai peut-être pas encore le point de vue de l’inter-être avec le monde entier, mais je peux observer comment je me sens connectée aux gens par mes sentiments et dans ma vie quotidienne. Et peut-être qu’un jour, j’approfondirai la Pratique de l’Inter-être. Mais c’est par là que j’ai commencé.
Pour moi, le troisième Toucher de la Terre consiste à me connecter avec l’enseignement et les enseignants spirituels. J’ai aussi mes racines chrétiennes du passé, mais j’ai longtemps essayé de les nier. Parfois, j’ai l’impression que je ne veux plus de mes racines mais, avec le temps, je les accepte de plus en plus. Maintenant, je sens que je pratique le Bouddhisme, c’est quelque chose que je cherche maintenant, mais c’est ma pratique antérieure du Christianisme qui m’a amenée ici. Donc, pour moi, ce Troisième Toucher de la Terre concerne mes enseignants spirituels.
Je pense que Thây a expliqué les Trois Touchers de la Terre d’une manière un peu différente. Thây enseigne une pratique beaucoup plus profonde, mais je procède de cette façon en partant de ma propre expérience. Ces trois touchers de la Terre m’ont aidée à regarder mes ancêtres, les personnes avec lesquelles je vis, et à embrasser les enseignements spirituels que j’ai reçus, incluant les personnes qui sont mes maîtres spirituels.
Frère Troi Thien Chi
Frère Troi Thien Chi est bulgare et est novice au Hameau du Haut. Il se passionne pour le jardinage et est également très diligent dans la Pratique.
Au cours de la Retraite des Pluies de 3 mois, quelles pratiques as-tu adoptées quand tu ressentais une douleur physique ?
Frère Troi Thien Chi: Pendant la Retraite des Pluies, j’ai souvent ressenti de la joie et de la paix, mais il est vrai aussi que j’ai eu de nombreux moments où je ne me sentais pas très bien. Juste avant le début de la retraite, je suis allé voir un médecin pour comprendre pourquoi je souffrais de maux de dos. Après quelques radiographies, nous avons pu constater que ma colonne vertébrale est assez tordue et que mes hanches ne sont pas alignées car mes jambes sont de longueurs différentes. Le jour même où j’ai reçu ces radiographies, une de mes dents est presque complètement tombée après plusieurs mois de soins chez le dentiste.
Comme vous pouvez l’imaginer, je me suis senti mal. J’ai toujours eu un complexe, le sentiment de ne pas être aussi bien que les autres. En découvrant les imperfections de mon corps, j’ai même commencé à me sentir handicapé. Pendant un certain temps, j’ai perdu l’espoir de me sentir un jour heureux et à l’aise dans mon corps. Je me suis dit : “J’aurai probablement toujours mal au dos. En avançant en âge, il est probable que cela ne fera qu’empirer”. Après quelques jours très chargés d’émotion, j’ai commencé à me poser des questions : “Ok, est-ce que je peux simplement me détendre dans cette situation ? Même si je ne peux pas l’accepter en ce moment, puis-je au moins essayer de me détendre au cœur de toutes ces émotions présentes en ce moment” ?
Ensuite, je n’ai même plus fait d’effort pour me détendre. Le simple fait de me poser cette question m’a déjà soulagé. “Je suis toujours là pour toi, amigo. Je n’irai nulle part. Nous serons ensemble dans la douleur.” Je me parlais à moi-même comme cela, même si je ne savais pas quelle partie de moi parlait à quelles autres parties. En tout cas, cela m’a aidé à m’engager à prendre soin de moi, à être présent, à écouter, à m’offrir de la compréhension et de l’amour. Peu importe ce qu’il y a – douleur ou bien-être, colonne vertébrale tordue ou corps sain – je les embrasse tous. Je me suis fait une sorte de promesse à moi-même : “Je prends la résolution de ne pas être présent uniquement pour les bons moments en me cachant lorsque des difficultés surgissent”. Je vois qu’en réagissant de cette façon, je me suis causé beaucoup de souffrance. J’ai si souvent refusé de voir les émotions et les pensées difficiles se manifester en moi : colère, haine, agression, tristesse, doute, désespoir, sarcasme, jugement, et même beaucoup d’autres encore. Comme je les jugeais malsaines, je préférais ne pas être là lorsqu’elles se manifestaient. Pourtant, je vois bien que, elles aussi, font partie de moi, et je veux apprendre à en prendre soin.
C’était peut-être juste une petite graine de Bouddha qui essayait de germer, ou la graine d’un parent ou d’un ami attentionné. Quoi qu’il en soit, j’ai pu constater que la guérison commence lorsque je me détends au cœur même de ces sensations désagréables, en me permettant de les ressentir profondément dans ma respiration et mon corps. Bien souvent, lorsque l’enveloppe extérieure dérangeante se détache, elle renferme un cadeau très personnel et très spécial.
Soeur Trang Uyen Nguyen
Soeur Trang Uyen Nguyen est une Soeur vietnamienne vivant au Hameau du Bas. Son cœur est magnifique et elle sait l’offrir discrètement au service de la Communauté. Outre son humilité, elle est également très habile pour trouver différentes façons de nourrir et consolider sa Pratique.
Quelle pratique as-tu privilégiée au cours de la Retraite des Pluies et comment l’as-tu mise en œuvre ? As-tu appris quelque chose sur toi-même ?
Soeur Trang Uyen Nguyen: Pendant la Retraite des Pluies de cette année, j’ai décidé de me concentrer sur la marche méditative. Comme il est plus facile pour moi de me concentrer sur de courtes distances, j’ai choisi de diviser le parcours de ma marche en plusieurs petites sections, par exemple de ma chambre à coucher à la salle de bain, de ma chambre à la salle à manger, de la salle à manger à la salle de méditation, etc. Chaque fois que j’ai des difficultés ou une forte émotion, je pratique toujours la méditation marchée. À chaque fois, je constate que mes émotions sont beaucoup plus calmes après avoir pratiqué. C’est très utile et je vois toujours que je peux revenir davantage à moi-même.
Je regarde aussi en moi pour voir quel type de graineUne graine est une qualité qui sommeille dans notre conscience, comme la bonté, la colère ou la jalousie, etc. Lorsqu’elle se manifeste, cela signifie que nous pouvons la sentir dans notre esprit, et elle peut également être vue par les autres dans nos actions et nos paroles. se manifeste s’il s’agit d’une graine négative ou d’une graine positive. Cela me permet de cultiver davantage les graines de bonheur en moi ou de regarder en profondeur pour transformer les graines qui me font souffrir. Parfois, je me sens triste ou en colère contre une autre personne et la marche méditative m’aide à calmer mes émotions. Il m’arrive aussi d’avoir une conversation avec une autre Sœur et de recevoir d’elle des graines de souffrance ou de mal-être, et la pratique de la marche méditative m’aide à faire en sorte que ce qui se passe en moi ne se manifeste pas dans mes interactions avec les autres.
La pratique de la marche méditative me permet aussi de me rapprocher davantage de mes ancêtres et de ma famille de sang ; chaque fois que je marche, je vois que mes parents marchent aussi avec moi. Cela me rend heureuse et me procure beaucoup d’inspiration pour continuer ma pratique. Cela m’aide à pratiquer avec diligence, où que je sois. Lorsque je pratique la marche méditative avec la Sangha, je vois que je marche sur les traces de notre maître Thây, chaque fois que je suis en pleine conscience. Après la marche, je me demande toujours : “Quel pourcentage de mes pas ai-je fait sur les traces de notre maître Thây aujourd’hui ?”
Tom
Tom est français et travaille à la Happy Farm du Hameau du Haut
Quels sont les aspects de la Retraite des Pluies que tu as le plus appréciés ?
Ce qui m’est immédiatement venu à l’esprit, c’est la nature, l’automne et l’hiver. Nous avons eu un temps magnifique en novembre. La forêt était si belle. J’adorais être à la Happy Farm et, sur le chemin du retour vers le hameau, en fin d’après-midi, je pouvais voir le coucher de soleil depuis le sommet de la colline. Le simple fait de rester un peu avec ce coucher de soleil me procurait vraiment une agréable sensation. J’aimais beaucoup voir les sangliers et, à la Happy Farm, nous avions aussi une famille de hérissons qui vivaient sur un lit de paille ; ils y faisaient leur maison pour l’hiver, une mère avec quelques bébés.
Mais ce que je préférais, c’était la présence des étoiles, avant et après la méditation assise. Juste rester un moment devant la salle de méditation, regarder le ciel clair et plein d’étoiles. Cela m’a souvent ramené au moment présent… Souvent, je me rendais compte que je pouvais avoir des difficultés et des problèmes, mais le simple fait de regarder les étoiles me permettait de voir à quel point cet univers est vaste, et que la vie ne se résume pas à mes seuls problèmes. Toucher cela m’a apporté un sentiment de stabilité et de sécurité. Cela m’a permis de recadrer et de regarder l’ensemble. Je sais que je peux parfois être coincé dans ma petite ‘image’. C’est ainsi que j’ai trouvé la nature si nourrissante, parce qu’elle pouvait m’aider à toucher une plus grande dimension et à ne pas être seulement pris dans mon propre monde.
Cette année, je sais que les mois ont été très difficiles, tant pour le monde entier que pour le Village des Pruniers. Mais pendant cette période, j’ai vraiment ressenti qu’il régnait ici une énergie bienveillante et attentionnée pour faire face aux difficultés de chacun. J’ai beaucoup apprécié le fait d’être baigné dans cette énergie de gentillesse. C’est l’autre chose, davantage liée à la Communauté, que j’ai particulièrement appréciée pendant cette Retraite des Pluies.
Qu’as-tu découvert sur toi-même au cours de cette retraite ?
Beaucoup de choses ; c’était très riche pour moi. Une chose évidente que j’ai reconnue, c’est ma tendance à refouler mes émotions. J’ai donc essayé un peu de lâcher cette tendance et de comprendre pourquoi je fais cela, afin d’avoir la capacité de lâcher prise. J’ai vécu des émotions très fortes pendant cette retraite. Parfois beaucoup de tristesse, parfois de la colère, parfois aussi beaucoup de joie, même de l’amour. Je me suis donc senti très vivant pendant cette Retraite des Pluies. Pas toujours évident, mais vivant. J’ai aussi vu ma tendance à ne prendre que les expériences que je voulais vivre et à repousser celles que je ne voulais pas vivre. J’ai donc clairement vu cette tendance [à repousser les émotions], et elle est encore très présente, j’en ai juste pris un peu conscience. J’ai l’impression que je ne peux pas tout lâcher d’un seul coup parce que cela me submergerait. Mais je peux peut-être trouver un équilibre entre laisser entrer en moi ces sensations plus difficiles et reconnaître ma capacité puis, lentement, les comprendre davantage et avoir plus d’espace pour elles à l’intérieur.
Pendant cette Retraite des Pluies, sur quelle pratique t’es-tu concentré et comment cela t’a-t-il aidé à mieux te comprendre ? Comment cela t’a-t-il aidé à vivre plus harmonieusement avec les autres dans la Sangha ?
Je me suis surtout concentré sur la facilité à faire les choses, non pas en changeant ce que je fais, mais dans la manière de les faire. Ainsi, avant de faire certaines actions, je me rappelais l’importance d’être conscient de toutes ces idées en moi qui me poussent à vouloir faire les choses parfaitement. Je me disais que je devais plutôt développer plus de confiance en quelque chose en moi qui sait, qui me rappelle que je n’ai pas besoin d’avoir autant de contrôle que cela. Me mettre un peu moins de pression.
Ce n’est pas facile car j’ai l’impression qu’en ne me mettant pas toute cette pression, je fais parfois les choses un peu moins bien. Je dois donc aussi être bon avec moi-même et accepter de faire beaucoup d’erreurs.
Pour pouvoir passer à travers ce processus, pour m’accepter davantage et moins juger, je sens que j’ai besoin d’un sentiment de sécurité, et c’est ce que j’ai commencé à construire. La sécurité au sein de la Communauté et parmi les personnes qui m’entourent. Me sentir en sécurité d’être ce que j’ai en moi, même si ce n’est pas parfait, savoir que “c’est ok, ils m’accepteront tel que je suis”.
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