Justice raciale / S’éveiller à la conscience d’être blanc (white awareness)

Un voyage vers les graines du racisme dans notre conscience du tréfonds

Aux États-Unis, le chagrin, la rage et le désespoir grondent, enflammés par les meurtres policiers d’innocents noirs et le racisme structurel dans lequel ils s’inscrivent. Aux frontières européennes, de nombreux Noirs et personnes de couleur (BPoC)Les Noirs et les gens de couleur (personnes racisées) (BPoC) est une auto-dénomination des personnes opprimées par le racisme comme étant « différentes » de la « norme » blanche au centre invisible du racisme. Ecrire ces lettres en majuscules expriment notre respect et notre intention de contribuer à recentrer leurs perspectives. sont laissés pour compte en Méditerranée ou forcés de vivre dans des camps de réfugiés. La répartition mondiale des ressources et l’inégalité des chances reflètent toujours la réalité des héritages (néo)coloniaux. Beaucoup, sinon la plupart, des BPoC en Europe sont encore victimes de discrimination dans la recherche d’un emploi, au travail, dans l’éducation ou par rapport aux logements.Rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE – https://fra.europa.eu/en/publication/2018/being-black-eu En Allemagne, par exemple, plus de cent personnes ont été assassinées pour des motifs racistes au cours des vingt dernières années.

Beaucoup d’entre nous ont reçu les cinq entrainements à la pleine conscience, avec lesquels nous nous engageons à examiner en profondeur et à soulager « les souffrances causées par l’exploitation, l’injustice sociale, le vol et l’oppression ». Nos questions sont donc les suivantes :

Comment pouvons- nous regarder profondément les racines du racisme et prendre des mesures conscientes et efficaces pour les transformer ? Quelles sont les pratiques individuelles et collectives qui nous aident concrètement à le faire ? Comment pouvons-nous le faire en tant que Blancs ? Comment faire face à des sentiments tels que la honte, la culpabilité, la colère ou la confusion ? Est-il possible d’approfondir cette question dans un esprit d’amour, de joie et de communauté ?

Nous aimerions vous offrir un petit aperçu du voyage à la fois stimulant et profondément nourrissant de notre petite Sangha d’amis monastiques et laïcs –blancs- qui se penchent sur ces questions.

Avec la boue de la discrimination et du fanatisme, nous cultivons le lotus de la tolérance et de l’inclusion.

Thich Nhat Hanh

Notre Sangha « white awareness » a pris naissance au Village des Pruniers lors de la retraite de 21 jours en 2018, en tant que groupe de pratiquants venus de cinq pays européens et d’une amie américaine. Au cours des deux dernières années, nous nous sommes rencontrés tous les mois en ligne pour nous soutenir mutuellement dans l’apprentissage, la réflexion et la mise en pratique de
« l’amour en action ». Nous avons suivi un programme d’étude sur le Dharma et le racismePour le White Awareness Insight Curriculum for Uprooting Privilege (WAIC UP), voir : https://tinyurl.com/waicup. conçu pour accompagner les blancs dans des groupes spirituels, en adaptant une partie de sa structure et de son matériel à nos contextes et histoires européens spécifiques. Nous avons lu des textes, regardé des films et partagé avec authenticité et en conscience de notre vulnérabilité sur la façon dont le racisme nous a façonnés en tant que blancs et comment celui-ci affecte notre société toute entière.

En février 2020, nous avons organisé une petite retraite entre nous, les membres du groupe, à l’occasion de laquelle nous avons invité des formateurs de Phoenix e.V.Voir : https://phoenix-ev.org. une association dirigée par les BPoC et basée en Allemagne, qui offre depuis près de 30 ans des espaces d’apprentissage transformateurs et responsabilisants dans le domaine de l’antiracisme et de la sensibilisation des personnes blanches. L’association Phoenix travaille d’une manière unique, avec un fondement spirituel profond, en lien avec la pratique du Village des Pruniers. Notre groupe a été accueilli par le monastère de la Source Guérissante, situé près de Paris, ce qui nous a permis de nous enraciner dans l’énergie collective de la pleine conscience tout au long de la formation.


Notre Sangha « white awareness » lors de la formation au monastère de la Source Guérissante, de droite à gauche : Mutlu, Frère Mountain, Tashy, Annica, Chloe, Frère Duc Pho, Reli, Flo, Simone, Maria, Miranda, Conny, Jassy, Sœur Tam Muoi, Anthony, Ida.

Etes-vous sûr ?

En tant que Blancs, il peut être difficile de ne parler que de racisme et de privilèges – avec soi-même, avec les autres ou au sein de nos Sanghas. C’est un effort – un effort de Sangha – auquel nous avons décidé de faire face, brisant le tabou qui nous obligeait à ne pas voir, à ne pas entendre et à ne pas parler. Une partie du privilège blanc est que les blancs ne sont pas obligés de penser au racisme tous les jours, parce que leur expérience quotidienne n’est pas déterminée par celui-ci.

C’est du moins ce que nous pensions.

Avec des conseils et une guidance appropriée, le programme suivi en ligne et nos formateurs de Phoenix, Mutlu et Maria, nous avons pu commencer à voir nos ancêtres, notre éducation et notre conditionnement en tant que Blancs avec des yeux neufs. Grâce à des exercices élaborés avec soin, nous avons compris que la plupart de nos manières de voir ou de faire les choses n’étaient pas universelles ou complètement individuelles, mais que nous les avions apprises dans le cadre de notre éducation en tant que Blancs dans une société racialisée. En considérant nos propres expériences, nous avons pu voir comment le racisme s’inscrit dans nos manières de penser, de parler, d’agir et de comprendre le monde au quotidien, mais aussi dans notre façon de construire et de faire vivre nos Sanghas.

« Dans l’espace sécurisé de notre groupe, ce fut un soulagement de partager et de reconnaître des expériences, des émotions et des perceptions erronées similaires reçues à travers notre éducation scolaire, les médias, les histoires pour enfants, etc. et ceci tout au long de notre vie. L’espace sécurisé que nous avons créé nous a permis d’embrasser et d’accueillir des informations souvent dévastatrices », raconte Sœur Tam Muoi, l’une de nos membres monastiques.

Tant que nous (en tant que blancs) ne choisirons pas activement de regarder les graines du racisme dans notre conscience du tréfonds et comment celui-ci est entretenu par la société, nous perpétuerons le racisme, même si nous ne nous en rendons pas compte ou n’avons pas l’intention de le faire.

Un membre laïc de notre petit sangha en parle : « Avant de me pencher sur le phénomène du racisme, je pensais qu’il consistait en des actes agressifs intentionnels consistant à blesser ou à insulter les gens – maintenant j’ai appris que la souffrance est causée par une culture de préjugés, souvent des actes de discrimination non intentionnels autant que par l’inégalité des chances. Cela m’a montré à quel point le racisme est profondément enraciné dans la société – et en moi-même ». Un autre membre ajoute : « Je vois maintenant que mes préjugés inconscients et l’image que j’ai de moi-même, qui est de n’avoir aucun préjugé, se dressent souvent comme deux murs entre moi et les personnes racisées. De cette façon, je ne peux pas voir qui sont vraiment ces personnes, ni comment je contribue inconsciemment au racisme. Je sens que ces murs sont des obstacles au chemin de la véritable empathie et de l’action juste. Malheureusement, cela s’est également produit avec une personne de couleur dans ma Sangha locale. Quand j’ai réalisé cela, la honte est apparue, puis la tristesse a surgi, et enfin j’ai ressenti un certain espoir qu’il est possible de faire tomber lentement ces murs en moi ».

Souvent, il n’était pas facile d’entrer en contact et de rester avec l’inconfort, la honte et la confusion. Lorsque cela se présentait, nous avons essayé d’embrasser ces sentiments avec tendresse et de les écouter comme on écoute un enseignant sage ou un enfant blessé. Lorsque ces sentiments ont été réellement entendus, ils se sont transformés pour nous montrer un nouveau chemin et nous ont donné la force de faire quelques premiers petits pas. Ensemble, nous avons voyagé de la tête au cœur : de la compréhension intellectuelle vers le sentiment jusqu’à l’incarnation. Rien de tout cela n’aurait été possible sans la pratique de la pleine conscience collective, les enseignements de Thay sur l’inter-être et les conseils, acceptés et sans jugement, de nos enseignants, qui nous ont guidés dans ce processus avec patience et de gentillesse.

« À la fin, bien que cela m’ait mis mal à l’aise, j’ai senti que quelque chose avait changé en moi, ce qui m’a donné un sentiment de confusion et de « doute ». Ajoute Sr Tam Muoi.

Et maintenant, que mettre en œuvre ?

Après un week-end intense, à la fois inspirant et propice à l’humilité profonde, nous sommes retournés dans le monde avec un désir renouvelé de découvrir les zones inconscientes de nos propres vies et de l’histoire européenne et de poursuivre le travail de guérison sur la question raciale. Mais aussi avec un désir de partager notre aventure : un voyage qui ne fait que commencer et qui se poursuivra pour le reste de notre vie, un voyage auquel nous aimerions convier d’autres personne blanches, afin de cheminer ensemble et en particulier dans le contexte et l’histoire Européenne.

Dans un avenir proche, nous espérons offrir un espace similaire d’exploration consciente et compatissante sur le racisme et la blancheur pour la Sangha blanche au sens large, lors d’une retraite dans l’un des centres de pratique du Village des Pruniers en Europe. En parallèle, il pourrait y avoir une retraite par et pour les pratiquants BPoC, dans l’esprit des retraites « Colors of Compassion » que Thay a animées avec d’autres enseignants du Dharma racisés aux États-Unis.Pour des comptes rendus des retraites « Couleurs de la compassion », voir : Thich Nhat Hanh : Together we are one – Honoring our diversity (Ensemble, nous ne faisons qu’un). Parallax Press, 2010. Ces retraites permettent aux pratiquants BPoC d’approfondir leur expérience du racisme et de leurs ancêtres, de co-créer des communautés de guérison et de se soutenir mutuellement pour mettre en œuvre des actions d’empuissancement.
En attendant, alors que la violence causée par le racisme continue de blesser les communautés et les individus BPoC, puissions-nous (surtout en tant que blancs) mettre notre amour en action et agir pour la justice raciale avec nos cœurs et nos yeux grands ouverts.

Auteurs :
Tashy Endres (PoC Rainbow & Friends Sangha Berlin)
Simone Fenger (Wake Up Freiburg et International Queer Sangha)

Pour toute question ou information complémentaire sur les prochaines retraites, veuillez écrire à : whiteawareness@gmail.com ou à plumvillageBPOC@gmail.com. Notre prochaine retraite aura lieu du 27 mai au 3 juin 2021. Cliquez ici pour plus d’informations.

Voir aussi :

arisesangha.org pour des ressources sur le racisme et la « white awareness » au sein et en dehors de la communauté du village des Pruniers
tinyurl.com/earthholder pour apprendre comment la communauté « Les gardiens de la Terre » intègre le travail de justice sociale et raciale dans ses pratiques.

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Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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