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Thich Nhat Hanh sur... / La Véritable Sangha

En ce « jour de manifestation » de Thây (11 octobre 1926), nous sommes heureux de vous partager un des enseignements qu’il avait consacré à la sangha, une communauté de pratiquants qui vit selon les enseignements du Bouddha et des maîtres ancestraux.

La sangha est la profonde aspiration de Thây et son grand héritage.

  

Chère sangha,Note de l’éditeur : Dans cet article, nous faisons la distinction entre le « Sangha » des Trois Joyaux (qui se compose du Bouddha, du Dharma et du Sangha) et le « sangha » (en minuscules) lorsqu’il fait référence à une communauté de pratiquants.nous sommes aujourd’hui le 14 octobre 2010. Nous sommes dans la salle de méditation Space Beyond Space (Espace au-delà de l’espace) à Pak Chong, en Thaïlande, durant notre retraite monastique.

Compréhension sans frontières

Le terme Phương Ngoại Phương (方外方 Fāng wài fāng) nous vient du sino-vietnamien. « Phương » signifie espace. Un pratiquant a vraiment besoin d’espace. L’espace est l’essence de la liberté et de la libération. Le but d’un pratiquant est de procurer un plus grand espace en nos cœurs, de véritablement offrir de l’espace, tant à nous-mêmes qu’à ceux qui nous entourent. Nous ne pouvons réaliser cet espace que par la pratique, par la vision profonde et la compassion.

La vision profonde et la compassion vont toujours de pair. Celui ou celle qui connaît la compréhension et la compassion connaît aussi le bonheur et ne souffre plus. La compassion et la vision profonde ne sont pas deux entités séparées. Elles sont en relation très étroite. La compréhension vient de la compassion, et la compassion vient de la compréhension : sans l’une, il ne peut y avoir l’autre.

Dans le bouddhisme, lorsque nous parlons d’amour, nous parlons toujours des quatre esprits incommensurables (quatre Brahmavihāras) : la bonté aimante (maitrī), la compassion (karuṇā), la joie (muditā) et l’inclusivité (upekṣā). Ces quatre esprits sont sans limites. C’est pourquoi on les appelle incommensurables, ce qui signifie un esprit sans limites ni frontières. L’amour dans le bouddhisme est l’amour qui ne connaît pas de frontières. Les différentes traditions bouddhistes enseignent les quatre esprits incommensurables et toutes les traditions reconnaissent que l’amour est infini et sans limite. S’il est limité, il ne s’agit pas de l’amour véritable d’un Bouddha.

Ceci est très important car le véritable amour est fait de compréhension. Sans compréhension, il ne peut y avoir d’amour. C’est quelque chose dont nous pouvons faire l’expérience par nous-mêmes. Si un père ne peut pas comprendre les difficultés de son enfant, alors plus il aimera son enfant, plus il le fera souffrir. Il en va de même entre l’enseignant et le disciple. Si un enseignant ne comprend pas les difficultés et la souffrance de ses disciples, il ne saura pas comment les aimer ou les aider. Par conséquent, la responsabilité d’un enseignant est de comprendre ses disciples. Ce n’est que lorsqu’un enseignant comprend profondément les difficultés, les souffrances et les défis de ses disciples qu’il peut véritablement éprouver de l’amour : et, à partir de ce moment-là, tout ce que dira, enseignera et fera le maître pourra être utile. Sans cela, il importe peu de savoir à quel point l’enseignant souhaite aimer ses disciples, ce n’est jamais un amour véritable. Il en va de même pour les disciples envers leurs enseignants.

Nous arrivons maintenant à une conclusion importante : si la compassion est sans limite, alors la compréhension l’est aussi. Si l’amour est illimité, alors la compréhension est également sans limite. C’est pourquoi nous devrions ré-examiner le terme sarvajñatā (一切智 yíqìe zhì) qui, en sanskrit, signifie « celui qui connaît tout », « toute connaissance » ou « omniscient » (Nhất Thiết Trí) ou « illumination complète«  (Toàn Giác) saṃbodhi / vidyācaraṇasampanna). La vision profonde, considérée comme « omniscience », doit être une compréhension sans frontières. Si quelqu’un dit qu’il a déjà assez de compréhension et qu’il n’y a rien de plus élevé à atteindre, il ne peut s’agir de la vision profonde d’un Bouddha. En tant qu’étudiants du Bouddha, nous le louons toujours comme celui qui a atteint la compréhension la plus élevée, insurpassable. C’est parce que nous aimons et respectons le Bouddha. Le Bouddha n’approuve pas nécessairement nos louanges. Ceci étant dit, beaucoup continueront à louer le Bouddha de la sorte car cela fait des milliers d’années qu’ils sont habitués à penser de cette façon. Louer le Bouddha comme celui qui a atteint l’illumination inégalée, complète et parfaite (anuttarasamyaksaṃbodhi, 無上正等覺) signifie que sa compréhension a atteint le point le plus élevé, ce qui signifie également qu’elle a des limites, qu’elle est limitée. Nous ne pouvons pas être certains que cela soit vrai, car si l’amour peut être sans limites, alors la vision profonde dont est issu cet amour est également sans limites. Elle peut toujours être plus vaste. Il s’agit d’un koan, un sujet que nous devons examiner en profondeur et contempler. Si nous sommes prisonniers des dogmes, nous ne pourrons jamais comprendre.

Le Bouddha a-t-il encore besoin de pratiquer ?

Dans les soutras, il est clairement indiqué qu’après avoir atteint l’illumination, le Bouddha a poursuivi sa pratique de la méditation marchée, de la respiration en pleine conscience, à prendre ses repas en silence et à participer aux partages du Dharma avec les moines. Nous pouvons nous interroger : si ceux qui ne sont pas encore devenus des bouddhas doivent pratiquer, alors pourquoi continuer à pratiquer quand on a atteint l’éveil ? Si vous vous donniez le temps de regarder profondément, vous trouveriez la réponse ; pratiquer de la sorte, ce n’est pas seulement devenir un Bouddha. Devenir un Bouddha ne suffit pas.

À quoi servent ces pratiques si ce n’est à devenir un Bouddha ? La réponse est très claire. C’est parce que ces pratiques nous nourrissent. Le Bouddha a aussi un corps et une vie quotidienne, et il a aussi besoin d’être nourri et de guérir par la pratique.

Construire une sangha : la carrière des bouddhas

Que ferez-vous lorsque vous deviendrez un bouddha ? Vous vous éveillez pour aider les êtres vivants. Devenir un bouddha n’est qu’un début. Chaque bouddha a une carrière à accomplir. C’est pourquoi, après avoir réalisé la Voie, le Bouddha Shakyamuni s’est assis au pied de l’arbre de la Bodhi afin de se nourrir de l’énergie de l’éveil. Ensuite il a réfléchi à sa carrière. Sa carrière consistait à construire une sangha. Sans sangha, un Bouddha seul ne pourrait pas non plus accomplir grand-chose. C’est parce qu’il y avait une sangha, que le Bouddha a pu accomplir sa carrière. La sangha du Bouddha pouvait apporter les enseignements au monde. Le Bouddha avait beaucoup de choses à faire. Le fait de devenir un bouddha ne signifiait pas qu’il avait terminé.

Pratiquer avec la sangha

Il est essentiel de bien comprendre que le Bouddha a transmis les enseignements pour nous éviter de les mettre en pratique par nous-mêmes. Les soutras, les sastras et le vinaya montrent tous que l’enseignement du Bouddha est destiné à être pratiqué en tant que communauté et non en tant qu’individu. Lorsque nous recevons les préceptes, nous devons les réciter ; que nous soyons novice, bhikshu, bhikshuni ou pratiquant laïc. Ne pas réciter les préceptes est une transgression. Mais avec qui récitons-nous les préceptes ? Nous les récitons avec des compagnons de pratique. Les novices récitent les préceptes avec les novices, les bhikshus avec les bhikshus et les bhikshunis avec les bhikshunis. Durant la retraite des pluies de trois mois, nous devons également aller là où nous pouvons pratiquer avec d’autres pratiquants. Pour pratiquer, il faut une sangha. Les Trois Refuges constituent le fondement de la vie de pratique. Lorsque nous disons « Sangham saranam gacchami-Je me réfugie dans la Sangha », cela signifie que je fais le vœu de ne jamais quitter la Sangha. Si nous ne prenons pas refuge dans la Sangha, nous ne sommes pas un enfant du Bouddha. C’est très clair.

Il serait erroné de songer à se retirer dans les montagnes pour s’entraîner à devenir un Bouddha et faire ce que l’on veut, parce que nous trouvons que la vie avec les humains est compliquée et gênante. Si une telle idée vous vient, vous devez donc la laisser tomber immédiatement. La pratique consiste à toujours pratiquer avec une sangha. Cependant, si nous vivons avec une sangha qui présente de nombreuses faiblesses et lacunes, une sangha qui ne fonctionne pas selon nos souhaits, alors nous devrions savoir ce qu’il convient de faire afin de contribuer à améliorer la qualité de notre sangha.

Si nous pratiquons seuls, l’énergie de la pleine conscience et de la concentration que nous générons sera peut être encore faible. Elle n’est pas encore assez forte pour nous permettre de nous transformer et d’apporter plus d’espace à notre cœur. Lorsque nous rejoignons une sangha où beaucoup savent comment pratiquer et comment générer l’énergie de la pleine conscience et de la concentration, nous constatons qu’il s’agit d’une source d’énergie puissante. Nous pouvons l’emprunter pour accomplir le travail de transformation que nous ne pourrions accomplir seuls.

La goutte d’eau coulant vers la mer sait qu’elle peut difficilement réussir seule. Elle pourrait s’évaporer à mi-chemin, devenir un nuage, errer ici et là et ne jamais atteindre la mer. Mais si cette goutte d’eau gagne une rivière et permet à la rivière de l’embrasser et de la transformer, alors il est certain qu’elle parviendra à la mer. Pour réussir, nous devons, en tant que pratiquants, permettre à la sangha de nous guider, de nous embrasser et de nous porter.

La véritable sangha

La sangha est une communauté de personnes qui pratiquent ensemble. Elle a la capacité de générer l’énergie de la pleine conscience (smṛti) et de la concentration (samādhi). Lorsque nous respirons ou marchons, nous respirons et marchons de manière à pouvoir générer davantage de pleine conscience et de concentration. Lorsque nous interagissons avec une sangha, une communauté qui pratique de la sorte, nous reconnaissons immédiatement cette énergie. C’est une véritable sangha (chân tăng). Si nous interagissons avec un groupe de personnes qui portent des robes brunes ou des sanghati jaunes, mais que nous ne ressentons pas une forte énergie de pleine conscience et de concentration, cela signifie qu’il ne s’agit pas encore d’une véritable sangha. Il se peut que le groupe ait la forme d’une sangha mais pas l’essence d’une sangha.

Une véritable sangha est une communauté qui vit la pratique et peut générer le véritable Dharma. En respirant et en marchant, la sangha est capable de générer l’énergie de la pleine conscience et de la concentration de la respiration et de la marche. Lorsqu’ils mangent, boivent de l’eau, font la vaisselle, se brossent les dents, les membres de la sangha ont la capacité de générer la pleine conscience et la concentration. Lorsque nous rencontrons une forte énergie collective de pleine conscience et de concentration, nous savons qu’il s’agit d’une véritable sangha dans laquelle nous pouvons prendre refuge.

Nous sommes très chanceux si nous pouvons rencontrer une telle sangha, car elle incarne le Dharma juste (le véritable Dharma, chân pháp). Le Dharma dont nous parlons ici n’est pas le Dharma parlé ou le Dharma consigné par écrit ou dans des livres. Bien sûr, le Dharma parlé et écrit est aussi le Dharma, mais il n’est pas aussi précieux que le Dharma vivant. Le Dharma vivant, c’est lorsque vous respirez ou marchez en pleine conscience et en concentration. Vous n’avez pas besoin de parler ou d’écrire. Par votre respiration, vos pas, vos sourires, la façon dont vous vous brossez les dents ou lavez vos vêtements, vous pouvez générer le Dharma vivant, le Dharma véritable et présent. Si le Dharma est présent, alors le Bouddha est présent lui aussi et c’est ce qu’on appelle le Bouddha véritable (chân Bụt). Ce n’est pas un Bouddha taillé dans la pierre, sculpté dans l’argile, moulé dans le cuivre ou peint à l’huile sur une toile. Le véritable Bouddha est constitué des énergies de pleine conscience, de concentration et de vision profonde. Shakyamuni est appelé le Bouddha parce qu’il possède les énergies de la pleine conscience, de la concentration et de la vision profonde. Si un moine possède ces énergies, il est lui aussi un éveillé. La grandeur ou la petitesse de ce Bouddha dépend de la force de ces énergies.

Il y a des gens qui interrogent : « Où peut-on trouver le Bouddha aujourd’hui ? » Il est très facile de répondre à cette question. Lorsque vous pouvez trouver une sangha qui a la pratique, la capacité de générer la pleine conscience, la concentration et la vision profonde, alors vous avez trouvé le Dharma ; et lorsque vous avez trouvé le Dharma, le Bouddha est présent. Le Bouddha est réellement présent dans le Dharma et la Sangha.


Calligraphie : « la Sangha est une magnifique communauté qui marche ensemble sur le chemin joyeux 

Prendre refuge dans la sangha pour pratiquer et aider le monde

Ce matin, après l’assise méditative, nous avons chanté le soutra sur la meilleure façon de vivre seul. Vivre seul ne veut pas dire se séparer de la sangha et se retirer dans les montagnes. De nombreux soutras du Majjhimanikāya (recueil de discours de longueur moyenne) parlent de la vie en solitaire, notamment L’amoureux idéal de la solitude (Bhaddekarattasutta, MN131). Certains l’ont traduit par Nhất Dạ Hiền Giả Kinh (Une seule excellente nuit). Dans ce soutra, il est dit que nous ne devons pas laisser le passé ou l’avenir nous éloigner. Nous devrions nous arrêter et contempler ce qui se passe dans le moment présent. C’est par cette contemplation que nous pouvons démêler, transformer, puis faire de la place dans notre cœur afin d’être heureux.

Par conséquent, ce que l’on entend ici par ‘celui qui vit seul’ est en fait une personne qui sait vivre dans le moment présent. Cette personne peut vivre seule avec la sangha et ne pas se perdre dans les foules ou se laisser emporter par la majorité. En pratiquant la méditation marchée, la méditation assise ou en mangeant avec une sangha de deux mille personnes, vous demeurez vous-même. Vous ne vous perdez pas et vous bénéficiez de l’énergie collective de la sangha. Voilà en quoi il est merveilleux de prendre refuge dans la sangha !

Autrefois, le Bouddha a consacré beaucoup de temps et d’efforts à bâtir une sangha. Après avoir atteint l’Eveil, la première chose qu’il entreprit fut de trouver des membres pour créer une sangha. Le plus grand groupe qu’il reçut comme monastiques était constitué des 500 disciples d’Uruvelā Kāśyapa et de la communauté des deux frères d’Uruvelā, à l’origine brahmanes. En l’espace de dix jours, le Bouddha comptait déjà mille disciples. Ces moines ne connaissaient pas encore la pratique. Le Bouddha les emmena tous au pic de la Tête d’Éléphant (Gayasisa) et commença à leur enseigner, en commençant par chaque respiration, chaque pas, la façon de tenir leur bol à aumônes, de marcher, de se tenir debout, de se coucher et de s’asseoir. Après quelques semaines d’entraînement, il les autorisa ensuite à retourner à Rājagaha pour leur première quête d’aumônes.

À cette époque, le Bouddha n’avait pas encore Śāriputra, Mahāmaudgalyāyana ou d’autres moines habiles pour l’assister. Il devait lui-même former les 1 000 bhikshus nouvellement ordonnés. Ce n’était pas une mince affaire, mais le Bouddha s’en est très bien sorti. En moins d’un an, il a constitué une sangha de 1 250 moines. Le Bouddha était un excellent bâtisseur de sangha.

La sangha est un élément crucial pour la réalisation de la carrière d’un Bouddha. Même un éveillé a besoin d’une sangha, sans parler de nous qui ne sommes pas encore pleinement des bouddhas. Par conséquent, « Je prends refuge dans la sangha » n’est pas une simple proclamation. Nous devons rester avec la sangha, bâtir la sangha, et ne pas nous en séparer. Si vous n’avez pas de sangha, alors vous devez jour et nuit maintenir l’aspiration dans votre cœur afin de trouver des moyens de construire une sangha. Ne pas avoir de sangha signifie ne pas avoir de lieu de refuge. Ne considérez donc pas l’expression « Sangham saranam gacchami-Je prends refuge dans la Sangha » comme une proclamation de foi. Ce n’est rien d’autre que la carrière de la construction de la Sangha.

Lorsque nous pratiquons l’écoute de la cloche ou la méditation marchée, nous cessons de parler et de penser (même si la pensée n’est pas audible, c’est une sorte de bavardage mental). Nous le faisons en plaçant toute notre attention sur notre respiration et le son de la cloche ou bien en nous concentrant sur nos pas. Nous générons ainsi l’énergie de la pleine conscience et de la concentration. Avoir la pleine conscience et la concentration, c’est bénéficier de la protection des Trois Joyaux. C’est ce que signifie véritablement la prise de refuge. Nous ne pouvons pas dire avec certitude que lorsque nous lisons à haute voix « Je prends refuge dans le Bouddha, je prends refuge dans le Dharma, je prends refuge dans la Sangha », nous recevrons la protection des Trois Joyaux.

Les Trois Joyaux sont les énergies de la pleine conscience et de la concentration. Chaque son de cloche, chaque pas posé dans cette énergie peut guérir, nourrir et libérer. Si vous pratiquez bien, chaque son de cloche, chaque pas peut vous aider à être en contact avec la Terre Pure, en contact avec la non-naissance et la non-mort. Ce n’est pas difficile ! Nous pouvons tous le faire. Ce n’est pas un lointain espoir. Nous pouvons réaliser ce chemin par la façon dont nous marchons et avec la cloche de la pleine conscience. Avec la sangha, nous pouvons faire en sorte que la Terre Pure devienne une réalité dans le présent, à chaque pas que nous effectuons, et en mettant tout notre cœur dans le son de la cloche de pleine conscience.

Si nous voulons être un disciple bien-aimé du Bouddha, un étudiant du Bouddha, nous devons apprendre l’art de bâtir la sangha. Je peux bâtir une sangha bien-aimée avec de nombreuses personnes ayant la détermination de pratiquer, et une grande récompense peut en résulter.

Fraternité et sororité : une nourriture importante pour un pratiquant

Lorsque j’étais un jeune moine, un bhikshu nouvellement ordonné qui n’avait pas plus de vingt ans, mon désir le plus profond était de bâtir une sangha bien-aimée. J’utilisais déjà le terme « sangha bien-aimée » à l’époque – un lieu dans lequel les frères et les sœurs vivent ensemble dans la fraternité et la sororité, s’aimant les uns les autres comme des frères et sœurs de sang, avançant ensemble comme une rivière. Je n’ai jamais eu l’idée d’être un chef ou un abbé. Cela n’avait rien d’attrayant pour moi.

J’ai eu l’occasion de réaliser ce rêve pour la première fois au cours des années 54 et 55. À cette époque, mon pays était divisé en deux. L’Institut bouddhiste An Quang était en crise, les moines étaient désorientés et instables et ils ne savaient pas quel avenir leur était réservé. Le vénérable comité des enseignants du Dharma n’a pas pu consoler les moines, ni réorganiser l’Institut bouddhiste An Quang. J’étais très proche des jeunes moines et nonnes et je leur ai montré la voie pour traverser ce moment difficile. Le Vénérable Thich Tinh Khiet du Temple An Quang m’a soutenu avec tout son amour et sa confiance.

Il y a quelques mois, alors que j’étais au Village des Pruniers, j’ai fait un rêve. Un rêve très simple, mais qui m’a rendu très heureux. J’ai rêvé que je me réveillais dans un temple ou un centre de pratique dont je percevais une atmosphère de pratique très joyeuse. Alors que j’étais encore allongé sur le lit, j’ai demandé à un attendant qui se trouvait à proximité : « Qu’y a-y-il donc de si joyeux ? ». Il m’a répondu : « Cher Thây, un certain nombre de frères et de sœurs viennent de rentrer. Nous sommes en train de préparer un plat de riz pour le manger ensemble. » Toujours dans le rêve, je me suis assis, je suis sorti dans la cour du temple. J’ai pratiqué la méditation marchée. J’ai contemplé chaque orchidée, le bosquet de bambous, chaque arbre et chaque fleur. Mon cœur était rempli de joie, comme s’il y avait un festival, car je sentais que je vivais au cœur de la sangha. Il n’y avait rien de particulier. Juste quelques frères et sœurs qui reviennent au temple. Une simple casserole de riz en train de cuire pour qu’ils puissent manger ensemble. Juste les orchidées et les bambous dans la cour. Mais pourquoi étais-je si heureux ? Parce que nous étions encore ensemble, parce que nous étions frères et sœurs. Un rêve tout simple, mais qui m’a rendu heureux de nombreux jours. C’est exactement cette fraternité et cette sororité, ce bonheur simple, qui nous pousse à pratiquer toute notre vie. Un pratiquant a lui aussi besoin de nourriture. L’aliment clé qui nous aide à pratiquer toute notre vie est la fraternité et la sororité.

Vous êtes mes étudiants, je voudrais vous transmettre mon bonheur et mon expérience. Si vous voulez être un pratiquant heureux, si vous voulez pratiquer tout au long de votre vie et accomplir la carrière d’un pratiquant, alors vous devriez aspirer à construire une communauté harmonieuse où règnent la fraternité et la sororité. Avec une telle communauté, vous serez non seulement nourri, mais vous aiderez aussi davantage le monde. Sans sa sangha, le Bouddha n’aurait pas accompli sa grande carrière et il ne nous l’aurait pas transmise. Il en va de même à notre époque. En tant que descendants du Bouddha, nous devrions formuler ce vœu : « Je fais le vœu de suivre les traces du Bouddha, de bâtir une sangha où règnent la fraternité et la sororité, une sangha heureuse où je puisse être nourri.e et aider le monde ».

Thây a offert cet enseignement en vietnamien ; la traduction française a été réalisée depuis la traduction anglaise.

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Thich Nhat Hanh January 15, 2020

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